But : négatif ... évanescence ... ne jamais enfermer ... le cheval traverse au galop ... anticipation ... harmonie de couleurs ...

Nous allons revenir sur toutes ces notions en analysant une aquarelle de Marie Christine Cartier. Merci à toi Marie Christine de m'avoir donné l'autorisation de de disséquer à la loupe ton travail.

 

L'œuvre de Marie Christine

 

Quelques idées directrices

"Le cheval doit pouvoir traverser l'œuvre au galop" Je ne retrouve plus hélas le nom du grand maître que je cite ici. Cao Bei An ? He Yifu ? La peinture asiatique nous enseigne l'art de transcender un sujet.

He Yifu

"Le voyage d'un peintre chinois dans les Alpes"

Croquis préparatoire et aquarelle

 

Cao Bei-An

"Aquarelles 2002-2005"

https://www.youtube.com/watch?v=YyuFKEFAI9E

 

 

"Négatif" Le fait de peindre autour de l'objet et non l'objet lui même. L'objet garde alors toute sa luminosité devant un fond sombre.

"Évanescence" Le fait que le fond et l'objet peint communiquent et qu'il n'y ait pas une limite précise entre les deux. On peut avoir une évanescence dans le clair ou le sombre.

"Enfermer" Le fait de contourner complètement un objet avec un fond monotone sans laisser de communication entre objet et fond. En général ce défaut tue la vie de l'œuvre.

"Anticipation" Le fait d'essayer d'intégrer dans sa peinture tout ce qui vient d'être rappelé. Ces rappels étant multiples et complexes, le manque d'anticipation entraîne de nombreux repentirs peu élégants.
Vous pourriez me rétorquer que Cao Bei-an ne fait pas de croquis préparatoires dans ses vidéos ! Oui mais ... comme il le dit lui même, il est peintre de métier et quand il fait une démonstration il connait le sujet par coeur !

"Harmonie des couleurs" Le fait de choisir une palette limitée pour peindre une œuvre et ne pas en déroger. L'harmonie est plus importante qu'une couleur réaliste.

 

Exercices

Essayons de voir comment ces rappels s'appliquent au tableau de Marie Christine.

" Le cheval doit pouvoir traverser l'œuvre au galop"

 

"Négatif"

Le fait de peindre autour de l'objet et non l'objet lui même. L'objet garde alors toute sa luminosité devant un fond sombre.

Attention : une erreur courante chez le débutant est de laisser un espace non peint entre l'objet et le fond, par peur de déborder !
L'espace blanc ainsi crée n'ayant aucune signification est très désagréable et irréaliste.


"Évanescence"

Le fait que le fond et l'objet peint communiquent et qu'il n'y ait pas une limite précise entre les deux. On peut avoir une évanescence dans le clair ou le sombre.

Ici Marie Christine a laissé les traits de crayons pour définir quand même certains pétales clairs qui pourraient se fondre totalement dans le fond.

On remarque aussi une évanescence sombre au niveau de la tige verte. Tout n'est pas figé.

"Ne jamais enfermer".

Le fait de contourner complètement un objet avec un fond monotone sans laisser de communication entre objet et fond. En général "enfermer" tue la vie de l'œuvre.

Dans la réalité un objet peut se découper par endroit sur un fond sombre ou clair et à d'autres fusionner avec le fond. Ici, les jonquilles n'étant pas encerclées par le fond sont vivantes.

 

"Anticipation" Le fait d'essayer d'intégrer dans sa peinture tout ce qui vient d'être rappelé.

Ces rappels étant multiples et complexes, le manque d'anticipation entraîne de nombreux repentirs peu élégants. Un croquis préparatoire est fortement recommandé. On peut aussi faire des études de fleurs au crayon pour mieux comprendre leur structure. Le geste sera libéré au moment de la mise en couleur.

 

 

"Harmonie des couleurs" Le fait de choisir une palette limitée pour peindre une œuvre et ne pas en déroger. L'harmonie est plus importante qu'une couleur réaliste. Déterminer une région dans le triangle des couleurs adaptée à l'harmonie souhaitée et choisir les aquarelles correspondant au sommet du polygone.


Passer à l'action

Le sujet

Vous pouvez bien sur essayer de copier l'aquarelle de Marie Christine. J'espère que toutes mes explications vous permettront de réussir car ce n'est pas simple je vous l'accorde. Pour vous rassurer, laisser moi vous chuchoter à l'oreille : " Marie Christine est une grande technicienne de l'aquarelle et elle pratique cet art depuis de très nombreuses années"

Vous pouvez aussi vous inspirer des deux photographies suivantes pour créer un fond et un sujet principal.
Vous pouvez aussi faire l'un puis l'autre ...

 

Dans votre carnet de préparations

1 Vous avez fait votre croquis préparatoire en ayant bien explicité la composition, les grandes lignes du dessin, les dimensions des fleurs par rapport au fond, les valeurs claires moyennes et foncés. Vous avec repérer les parties en négatifs et celles évanescentes. C'est parfait !

2 Vous avez choisis vos couleurs et vous les avez testées, seules concentrées et diluées puis deux à deux puis ensemble pour vérifier que vous obtenez bien des valeurs sombres. Vous avez noté leur nom.

 

 

Sur la feuille d'aquarelle, le fond d'abord

1 Dessiner rapidement les fleurs avec un crayon graphite gras (2 à 4 B) sans appuyer et si possible sans gommer. Le croquis préparatoire doit vous aider. Si vous manquez d'assurance faire votre dessin sur un feuille de dessin (ainsi vous avez droit à l'erreur et aux repentirs) et ensuite décalquer votre dessin sur la feuille d'aquarelle.

Conseil 1 : Pour obtenir un fond dense et velouté comme celui de l'aquarelle de Marie Christine, il faut beaucoup de pigment. Si vous travaillez avec de la peinture en godet, je vous recommande d'éviter les grands formats. Un petit à moyen format sera mieux adapté.

Conseil 2 : Jean Claude Chaillou est un grand spécialiste des très grands formats avec des densités pigmentaires très importantes. Voici comment il prépare son action !

http://aquarelle.chaillou.free.fr/index01aqua.htm

https://www.youtube.com/watch?v=WlJhD4CFcMU

 

2 Tremper votre feuille d'aquarelle dans un bac d'eau fraîche ( attention ni tiède ni chaude) et laisser la 10 minutes environ (la durée optimale dépend du papier ). Pendant que le papier trempe, en profiter pour lire les consignes ci-dessous jusqu'au bout. Ne pas appuyer sur la feuille avec les doigts pour la faire pénétrer dans l'eau car cela laisse parfois des marques très désagréables.

3 Sortir la feuille délicatement de l'eau par un coté et la poser sur la planche de contreplaqué qui a été mouillée au préalable abondamment recto et verso.

4 Placer la feuille sur la planche. Elle adhère naturellement sans attaches.

5 Essorer la feuille avec le plat de la main plusieurs fois avec un torchon fin et en finissant avec du sopalin. Si le papier est bien essoré en surface il se comporte dans un premier temps comme s'il était sec.
Par ailleurs, étant mouillé à cœur, les fusions pourront s'effectuer pendant longtemps en donnant des dégradés magnifiques ... si et seulement si ... vous n'intervenez pas du tout dans l'évolution des fusions, sauf éventuellement pour faire, au bon moment, des retraits précis. Ce genre de travail demande beaucoup de temps et nécessite de la patience car il faut impérativement respecter le cycle de l'eau, mais quelle récompense au final !

6 Préparer une belle quantité pour la couleur du fond en mélangeant plusieurs teintes d'aquarelles.

7 Charger un gros pinceau à lavis avec le mélange, et, tranquillement commencer à étendre le mélange sombre. On ne couvre pas toute la feuille car on procède par zone. On s'approche précisement avec la peinture qui définit un négatif sur les fleurs. On a le temps car avec le papier mouillé à cœur, l'aquarelle n'est pas absorbée aussi rapidement par le papier.

8 Avec un deuxième pinceau à lavis propre et humide étirer les zone sombres vers les zones claires.

9 Lorsque le mélange étiré manque de densité, le recharger par endroit, (c'est ce qu'on appelle aussi "nourrir la tache"), en chargeant à nouveau le pinceau avec la même teinte ou une teinte modifiée voisine, puis en le pressant sans toucher la feuille pour faire écouler le mélange dans la tache. L'intérêt de poser son aquarelle sur une planche se révèle ici, car on peut alors délicatement basculer la planche pour que le mélange se répande comme on le souhaite. S'il ne se répand pas c'est que l'ajout de liquide pigmenté est insuffisant.

10 Continuer ce travail sur une autre zone avec le premier pinceau, en ayant pris soin de modifier sa teinte par ajout de telle ou telle couleur au mélange initial.

11 Quand le mélange commence à être moins fluide, adoucir, avec un pinceau humide, certaines zones entre les fleurs et le fond pour avoir des évanescences. Faire éventuellement pénétrer le fond dans les fleurs.

12 Ne pas se soucier des feuilles et des tiges plus sombres que le fond. Elles seront peintes plus tard.

13 Avant de commencer essayer d'imaginer comment le fond a été déposé sur l'aquarelle ci dessous en suivant les consignes de 1 à 12. Faire la même chose avec l'aquarelle de Marie Christine.

Les consignes à imprimer : fichier consignes.pdf

 

Ensuite les détails

Au fur et à mesure que l'eau s'évapore doucement des mélanges imprégnant le papier, on peut, selon le cycle de l'eau, procéder à l'ajout de détails. Il y a aussi des zones sèches en surface, celles où vous n'avez pas mis de fond et que vous pouvez travailler sans problème. Attention à ne pas poser la main sur les parties humides !!!

Une vidéo sur le cycle de l'eau : https://www.youtube.com/watch?v=prYGL3cPnRQ

Conseil essentiel pour éviter les "chou-fleurs" : lorsque l'on intervient dans une zone humide en cours de séchage avec un pinceau chargé de peinture, il faut impérativement que l'humidité du pinceau et de la peinture soit moins importante que celle du papier. Sinon l'eau colorée se répand, entraînant avec elle la peinture sur la feuille, donnant ainsi naissance au fameux "chou-fleurs"

L'espace correspondant aux jonquilles n'a pas été peint au moment du fond. La zone est blanche et sèche en surface. On peut la peindre en gardant des blancs correspondant aux parties les plus lumineuses.

Attention : Si le fond est encore très mouillé, si vous vous approchez trop près du fond avec la peinture jaune, il peut se passer deux choses différentes non prévues.
Soit le fond pénètre dans le pétale jaune soit le jaune se répand dans le fond en créant un chou fleur.

Conseil 1 : avec le jaune s'approcher le plus possible du fond , à 1 mm pas plus. Lorsque le fond est plus sec repousser le jaune vers le fond pour ne pas laisser des blancs qui n'ont pas de signification réaliste (sauf celle qui vous trahit et raconte que vous avez eu peur de vous approcher du fond.)

Conseil 2 : on peut quand même faire pénétrer le fond dans la fleur pour évoquer des ombres.

Remarque : avec les narcisses blancs, c'est plus facile puisque l'on laisse la fleur sans la peindre sauf aux endroits des ombres et du cœur !!!

Le bouton a été peint dans une zone sèche sans toucher le fond sur la partie haute mais en faisant fusionner le fond et le bouton sur la partie basse donnant ainsi l'impression d'une ombre.

Attention : l'eau ne doit pas aller du bouton vers le fond mais du fond vers le bouton. Pour faire ce travail on utilise un spalter à peine humide qui déplace délicatement le fond dans la peinture du bouton.

Observez bien les feuilles. Elles ont la même couleur que le fond. C'est un travail délicat de renforcement de la couleur sur le bord de la feuille qui va la suggérer.

Attention : respecter l'humidité relative du papier et du pinceau.
Cette étape peut aussi se faire à sec c'est à dire lorsque toute la feuille a séché.

Cette feuille a été peinte sur papier sec ou papier presque sec en prenant les précautions citées plus haut.

 

 

Un sujet plus simple peut être ...

Dans cette réalisation, Marie Christine après avoir respecté les consignes de 1 à 5 commence par un lavis jaune avant de mettre le lavis foncé de la consigne 6. Elle l'avait aussi fait sur l'aquarelle étudiée précédemment.

Elle ne met pas de jaune partout et donne un sens à son intervention et des variations de densités de la couleur.

Puis elle essore (comme pour la consigne 5) à nouveau les parties qu'elle veut garder sèches comme les fleurs, ce qui lui permettra de faire des négatifs avec le fond sombre.

Le mélange sur la feuille du jaune et du bleu donne du vert.
Vers la fin du travail, quand le papier commence à se décoller de la planche, elle agrafe son papier sur la planche qui sera alors parfaitement tendu un fois totalement sec.


En conclusion

Chaque artiste développe au cours de sa pratique des techniques et des savoirs faire différents. Les vidéos proposées ici illustrent bien ce propos.

Cependant, et c'est souvent le but des stages et des cours, découvrir une technique particulière et s'astreindre à l'essayer, malgré les déboires rencontrés et même les "ratages complets" s'avère une bonne manière de progresser. Les conséquences positives se sont souvent pas immédiates et il faut essayer mais aussi réessayer. Les outils accumulés dans notre besace, nécessaires pour régler les problèmes rencontrés au cours d'autres travaux, nous permettent de peindre plus librement avec plus d'assurance et de sérénité. Et au détour d'une aquarelle on découvre le plaisir du lâcher prise possible après tant d'effort.

 

Bonnes vacances de printemps ... confinées. Bientôt les pivoines et les iris ... tout un monde de splendeurs à peindre

 

J'attends vos œuvres avec impatience.

N'oubliez pas de vous régaler avec toutes les aquarelles qui ont été réalisées pendant ce confinement et que j'ai mises en ligne sur ce site

 

 

Nicole a peint ces jonquilles en deux temps.
La première étape à gauche avait une composition originale mais peut être un peu violente.

L'invention d'un premier plan, sans enlever la vedette aux jonquilles a adouci la composition tout en renforçant la complexité.

Trouver des solutions face à un dilemmne ... tout un art.

 

Marie Hélène a choisi une composition osée en ce sens qu'elle ne centre pas l'aquarelle sur les fleurs. Donc certaines jonquilles sont tronquées et c'est tout l'intérêt car maintenant sa composition est plus originale : une diagonale sépare la gauche plutôt jaune de la droite plutôt bleu avec des rappels de bleu dans le jaune et réciproquement.

Par ailleurs les fleurs ne sont jamais cernées et s'intègrent dans le fond par endroit ou se découpent sur le fond très nettement. L'ensemble est vivant.